Témoignage de l’histoire
Etudier l’évolution du littoral dans le temps pour comprendre et réduire la vulnérabilité d’un territoire face aux aléas côtiers
Quelle urgence à agir ? Dans combien de temps risque de se produire un nouvel éboulement rocheux ou une nouvelle submersion marine ? Depuis quand et pourquoi la plage recule ?
La démarche historique aide à répondre à ces questions car elle permet d'appréhender le risque actuel par l’étude des événements passés. Plus largement, elle cherche à développer la connaissance sur les grandes étapes de l’installation des hommes sur les littoraux, la transformation des paysages côtiers, l’évolution de la ligne de rivage, l’historique des tempêtes ou encore les raisons ayant motivé la construction d’ouvrages de défense contre la mer.
Se souvenir des évènements naturels ayant modifié le littoral et expliquer l’évolution du trait de côte dans le temps permet par ailleurs d’entretenir une mémoire et une culture du risque et de mieux préparer les populations locales aux changements à venir.
Pour aller plus loin, consulter la fiche : "Comment parler du risque et des changements côtiers ? "
Pour réaliser ce diagnostic historique territorial, de très nombreux outils sont aujourd’hui disponibles, facilement accessibles, et pour la plupart gratuits, sur des sites internet publics et fiables. Grâce à ces outils, chacun peut ainsi mener ce diagnostic à l’échelle de son territoire.
1. Récolter de l'information grâce aux publications officielles, archives historiques et de presse
Les écrits, des plus récents aux plus anciens, permettent de dresser un inventaire local, certes non exhaustif mais suffisamment complet, des événements naturels survenus sur le littoral. Ils permettent ainsi d’alimenter la « mémoire collective » sur ces événements. On les trouve auprès des archives communales et départementales, des bibliothèques municipales et universitaires et éventuellement auprès des archives et bibliothèques privées. Les archives historiques les plus aisées à consulter et à interpréter correspondent aux documents les plus récents et, généralement, postérieurs au XVIIIe siècle. Les documents antérieurs nécessitent souvent une compétence en déchiffrage des écritures et en connaissance du vieux français ou du latin dans lesquels étaient écrits les textes anciens.
- Les Demande communale de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle
Lorsqu’une tempête marine à des conséquences matérielles et humaines sur le littoral, la commune peut demander la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle : cette demande est transmise aux services de l’Etat pour instruction. Si le caractère catastrophique de l’évènement est avéré, la demande donne lieu à la publication d’un arrêté interministériel qui ouvre aux administrés la possibilité de bénéficier d’un système d’indemnisation assurantiel spécifique, dit « système d’indemnisation CAT NAT ».
L’ensemble des arrêtés de reconnaissance de catastrophe naturelle sont inventoriés dans la base de données Gaspar (Gestion Assistée des Procédures Administratives relatives aux Risques naturels et technologiques) de la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR).
La base de données GASPAR est consultable sur : |
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Rubrique « téléchargements » |
Dans le Var, les événements récents de 2008, 2010 et 2011, représentent la quasi-totalité des arrêtés, liés à des tempêtes de secteur Est-Sud-Est
- Les archives de presse
Les coupures de journaux et articles de presse permettent d’alimenter l’inventaire des évènements exceptionnels ayant eu lieu au cours du siècle dernier et ayant eu des impacts importants sur les infrastructures ou sur la sécurité des personnes. Ils offrent ainsi l’opportunité de retracer l’histoire et d’en apprendre plus sur des évènements météorologiques (vents, précipitations, par exemple), des phénomènes marins (houle, surcote, onde de tempête, …), ou encore des phénomènes continentaux (ruissellement, évolution de la nappe phréatique,…).
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Bon à savoir : Certains quotidiens ont entrepris de numériser leurs anciens numéros. Ces archives peuvent parfois être consultées gratuitement via internet. |
Exemples de sources dans le Var :
- Les Archives départementales du Var ont mis en ligne des journaux locaux numérisés en partenariat avec la Bibliothèque municipale de Toulon - http://www.archives.var.fr/
- La rubrique « Presse locale ancienne » de la Bibliothèque Nationale de France (BNF) répertorie les numéros des journaux de presse politique et d'information générale, comportant de l'information locale, numérisée ou non, dont dispose la BNF. Les recherches peuvent s’effectuer par thèmes - http://presselocaleancienne.bnf.fr/html/theme
- Les archives municipales de Cannes collectent, classent, communiquent et conservent un grand nombre de documents qui sont toujours consultables sur place ou sur Internet. Sont par exemple numérisés un certain nombre de numéros du « Littoral illustré » journal hebdomadaire, artistique, politique et financier, paru de 1883 à 1944 dans les communes de Nice, Cannes, Monte-Carlo, Menton, Saint-Raphaël et San Remo) http://www.cannes.com/fr/culture/archives-municipales.html
- Les archives iconographiques et cartographiques
Les cartes et plans anciens donnent des indications pertinentes concernant les conséquences de l’occupation humaine sur la transformation des paysages, l'évolution morphologique de la côte et les dynamiques littorales.
Illustration : L’évolution de la configuration du littoral de la Rade d’Hyères (Hyères, Var) vue à travers des cartes de différentes époques
Carte de Provence et des Terres adjacentes par Guillaume DELISLE de l'Académie Française,Premier Géographe du Roy Paris, chez l'auteur sur le Quay de l'Horloge avec privilège, Octobre 1715 , source : gallica.bnf.fr/ Au début du XVIIIe siècle le double tombolo est percé de graus connectant l’Etang de Giens à la Mer |
Carte de Cassini, XVIIIe siècle, source : https://remonterletemps.ign.fr/ Sur la carte de Cassini, les tombolos semblent continus et l’Étang de Pesquier est alors un grand étang nature
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SCAN50 historique de 1950, IGN, source :https://remonterletemps.ign.fr/ L’exploitation salinière à l’origine cantonnée dans les Vieux Salins, s’est étendu au Pesquier et a façonné l’étang pour le transformer en marais salant. |
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Le nouveau portail Remonter le temps de l’IGN permet de consulter, comparer et imprimer des photographies aériennes et des cartes anciennes et actuelles.
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Campagne photographique de 1930 disponible sur la Rade de Toulon ( chaque point orange représente une photographie) Naviguer sur "Remonter le temps" : https://remonterletemps.ign.fr/ |
Les photographies historiques sont également très parlantes. elles rappellent des souvenirs, mobilisent et réactivent la mémoire des populations, mais aussi des élus et des techniciens. Les archives photographiques peuvent ainsi constituer un support utile à l’occasion de présentations sur l’évolution du trait de côte.
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Le Port de Toulon, Ecole nationale des ponts et chaussées & Ministère des travaux publics, 1873, Source : http://gallica.bnf.fr/ |
Une bonne idée ! Durant le projet franco-britannique LiCCo (Littoraux et Changements Côtiers), un appel à contribution a été publié dans les journaux communaux pour proposer aux habitants de prêter leurs collections personnelles de cartes postales, photographies et autres documents. L’objectif était alors de permettre de développer une rétrospective historique sur l’évolution du trait de côte et d’alimenter des expositions locales sur le thème du changement côtier. En savoir plus sur le projet LICCO : http://www.rolnp.fr/rolnp/index.php/ressources-et-travaux/ressources/licco-littoraux-et-changements-cotiers |
2. Appréhender l’évolution du littoral grâce à la photographie
- La photographie vue du ciel
Plusieurs importantes campagnes de clichés aériens réalisés par des aviateurs militaires ont eu lieu dans l’entre-deux-guerres et en 1950. Au total, quelques 20 000 clichés d’époque couvrent 90 % du littoral métropolitain français : certains secteurs apparaissent par ailleurs mieux pourvus que d’autres pour des raisons stratégiques (ex : Nord de la France, rades de Toulon et Brest). Ces photographies sont verticales et leur résolution peut aller jusqu’à 5 mètres, à l’instar des photographies prises en Provence-Alpes-Côte-D’azur. Le fonds photographique issu du ministère de la Guerre a été confié au Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) dans les années 1970 puis à l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER).
Aujourd’hui numérisées, ces photographies peuvent être exploitées dans des Systèmes d'information géographique (SIG) afin de comparer le littoral sur plusieurs périodes ou pour mesurer l’évolution de la position du trait de côte dans le temps.
Des exemples d’utilisation :
Mesurer la variation de la position du trait de côte
![]() Evolution de la position du trait de côte des Vieux Salins (Hyères, Var) entre 1924 et 2014 © L.VELAY, Conservatoire du littoral, 2016 |
Caractériser l'évolution des milieux et des paysages
Evolution de la pinède littorale des Vieux Salins (Hyères, Var) entre 1924 et 2003 © L. VELAY, Conservatoire du littoral, 2016 |
Déterminer la période de construction des ouvrages maritimes
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- Les photographies vues de la terre et de la mer
La mise en en place d’un suivi photographique régulier est un outil intéressant, qui peut se révéler peu coûteux, et qui permet de rendre compte de l'évolution du littoral sur une temporalité saisonnière ou au fil des années. Le principe est simple : il s’agit de photographier des portions du littoral, depuis le même point de vue, à intervalles réguliers et/ou à chaque modification importante (suite à un évènement météorologique ou à un aménagement de plage par exemple). , pour visualiser les variations morphologiques qui se produisent au cours du temps.
3. Les archives orales : le littoral raconté
Certaines informations sur l’évolution du littoral ne sont pas écrites ou photographiées : elles demeurent cependant ancrée dans la mémoire des habitants qui ont vu évoluer le littoral, dans sa forme, dans son identité, dans son occupation. Les « anciens » des communes gardent généralement la mémoire d’évènements marquants : et même si les dates et les localisations initiales sont parfois approximatives et demeurent souvent à recontextualiser, le travail de collecte de ces témoignages historiques apparaît essentiel à la bonne connaissance des territoires littoraux et de leur évolution.
Le fond sonore des archives départementales du Var Le service des archives sonores a été créé en 2004 au sein des Archives départementales du Var. Il a pour mission de collecter, répertorier, conserver et diffuser les documents sonores concernant la mémoire varoise. Les documents sonores sont réalisés soit les services du Conseil départemental (service des Assemblées ou service des Archives départementales), soit par des producteurs extérieurs (amateurs, chercheurs, associations, communes, établissements publics, etc.).Les documents sonores conservés représentent à ce jour 1 700 heures d’enregistrement, dont 60 heures consultables sur le site Internet des Archives départementales. « Le coin des collecteurs » permet à toute personne désireuse d’enrichir la bibliothèque sonore de proposer la réalisation d’interviews ou de confier des enregistrements aux archives départementales (témoignages relatant un fait historique, un métier, une structure, etc. A retrouver sur : http://www.memoire-orale.var.fr/ |
Pour aller plus loin sur le diagnostic historique :
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Ce guide méthodologique a été réalisé dans le cadre du projet ANR Cocorisco (2011-2015). Il détaille le contenu d’un diagnostic territorial intégrant la dimension historique et dresse une typologie des différentes sources de données à mobiliser. Hénaff A. (Ed.), Philippe M., 2014, Gestion des risques d’érosion et de submersion marines, guide méthodologique, Projet Cocorisco, 156p. |
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